Denis Savary
Giulia, portrait de Giulia Essyad
Denis Savary, Giulia, portrait de Giulia Essyad, vidéo, couleur, musique, 03’48’’. Caméra: Margot Sparkes. Montage: Nicolas Ponce. Maquillage: Morgane Gillioz. Remerciements: Giulia Essyad et Laser Game, Genève. Produit par le Centre d’édition contemporaine, Genève, 2025
Denis Savary propose deux portraits d’artistes avec qui il entretient un dialogue depuis plusieurs années, John M Armleder et Giulia Essyad. Deux portraits-vidéos et deux propositions inédites qui font écho à la programmation du Centre d’édition contemporaine, John M Armleder ayant été invité à réaliser plusieurs éditions, en 1992 et en 2024, tout comme Giulia Essyad, en 2022 et en 2024.
Ces deux portraits s’éloignent de l’approche classique du genre qui documenterait et analyserait le travail ou la personnalité de l’artiste. Le regard de Savary se porte en effet davantage sur des éléments récurrents et distinctifs de la pratique artistique de ces deux artistes qu’à première vue tout oppose, les plantes pour Armleder, son corps pour Essyad.
Savary envisage ces deux productions comme une suite à Blood on the Dinning-Room floor, la vidéo qu’il a présentée lors de son exposition Quiet Clubbing au Centre d’édition contemporaine en 2024. On retrouve en effet dans les portraits d’Armleder et d’Essyad la notion d’enfermement dans des espaces transparents qui caractérisait cette vidéo, une forme de retour sur son passé avec un light show, façon «discothèque de campagne», projeté sur les murs de la villa de son enfance, transformés en écran. Pour John M Armleder, il installe un jardin des plantes dans l’habitacle d’une voiture qu’il fait passer dans un carwash. La transparence et la brillance des vitres sont accentuées par les jets de lumière, l’eau et la mousse qui ruissèlent, donnant l’illusion de plantes aquatiques artificielles, le tout en parfaite symbiose avec la bande sonore composée de musiques hawaïennes choisies par John M et Stéphane Armleder. Dans le portrait de Giulia Essyad, le visage de l’artiste apparait dans l’obscurité d’un lasergame. Les jets de lumières la transforment en un être irréel, éclairé par un bleu intense rappelant les Bluebots, ses doubles, petites figurines qui peuplent ses vidéos.
Tout comme Blood on the Dinning-Room Floor, ces deux nouveaux projets interrogent le médium et le dispositif de la vidéo. Car Wash devient une sorte d’aquarium psychédélique où l’image de l’eau de lavage se projette sur des plantes parfaitement sèches, en évoquant des éclaboussures, des splashes, motif récurent dans l’œuvre d’Armleder. C’est également autour d’un tel effet de projection lumineuse que s’articule la vidéo Giulia. Le lasergame tantôt se fond dans le visage d’Essyad tantôt s’y réfléchit. L’artiste, comme un fantôme pris au piège dans un écran de télévision, dévoile en transparence l’espace qu’elle semble hanter.