Présentation de l’exposition par l’artiste, jeudi 24 octobre 2024, 18h30
Giulia Essyad transforme son corps en un outil d’exploration et un espace de projection qu’elle immerge dans des univers fantastiques et cinématographiques, entre légendes médiévales, pop culture et esthétique cyborg. Ce corps technologique, composite et hybride, permet d’échapper à la classification binaire de genre. En affirmant une ultra-sensualité, un glamour, et en surdéterminant les codes de l’extrême féminité, Essyad invite à la déconstruction critique de la représentation de soi et du corps contemporain. Celui-ci devient un vecteur militant, iconique, libéré des tabous, des canons, des stéréotypes esthétiques, une manière de s’affranchir des tendances essentialistes et naturalistes, et des dualismes simplistes du type nature/culture, homme/femme, humains/animaux, etc.
Dans un syncrétisme très libre, l’artiste convoque des notions qui s’étirent de l’animisme au polythéisme, en passant par la Fantasy. Elle s’inspire aussi bien des phénomènes naturels que surnaturels, des mythes comme des croyances plus traditionnelles et anciennes, dans un champ élargi et multiculturel. Dans cet univers multiforme, à la fois digital et archaïque, l’artiste crée des avatars d’elle-même, métamorphosés en support marketing, digne des publicités les plus surproduites. Ils oscillent entre une animalité amusée, revendiquée, et une sophistication qui ferait de Ann Lee ou de Betty Boop des sœurs numériques ou hollywoodiennes, des nymphes antiques ou des ondines modernes. Ces poupées sont transformées en guerrières, le corps libéré des codes de la beauté classique et des normes imposées.
Giulia Essyad n’en est pas à sa première collaboration avec le Centre d’édition contemporaine. En 2015 et 2016, elle proposait deux lectures à l’occasion de la présentation de l’édition sonore collective Artists’ Voices produite en 2016, composée de trois vinyles : celle d’un poème Poetry Reading December 2016, et celle d’un texte Prophecy Podcast 1. En 2022, le CEC éditait la publication Blueberry Studies. Before publication 8 qui fait partie de la collection Before publication liée au catalogue L’Effet papillon, 2008-2025, ainsi qu’un imprimé, temple-piss19-psd, 2020, édition offerte aux membres de l’association du CEC pour l’année 2022.
Giulia Essyad présente un nouveau corpus d’œuvres spécialement produites pour l’exposition INNARDS, ainsi qu’une nouvelle édition Unspeakable (I’m ready), 2023-2024. Cette dernière se compose de reproductions photographiques d’une série d’images de nus réalisées dans le cadre d’une résidence Pro Helvetia effectuée en 2022, à Bengaluru, en Inde. Unspeakable (I’m ready) comprendcinq photographies de l’artiste expérimentant sur elle-même la technique du bondage japonais, le shibari. Cette pratique sexuelle s’est popularisée au Japon au cours des années 1950, avant de devenir peu à peu un « art » réalisé par des maîtres, dont les techniques se sont exportées et popularisées en Occident. Giulia Essyad les réinterprète de manière plus personnelle et empirique, comme elle a pu le faire dans le cadre de la performance Rosabel… BELIEVE (Perrrformat, Zurich, 2022).
D’un point de vue technique, ces photographies sont des reproductions en noir et blanc d’images produites grâce à la méthode du collodion humide1, au format carte postale, sur de fines plaques de plexiglas. Elles ont été reproduites à 65 exemplaires, emballées individuellement dans des boîtes en plastique transparent contre-formées, conditionnées comme des produits informatiques, avant d’être réunies à l’aide d’un simple élastique par groupe de cinq photographies, chacun d’eux constituant une édition, elle-même produite à 8 exemplaires, 2 H.C. et 3 e.a., étiquetés et numérotés.
L’édition Unspeakable (I’m ready), tel un pack de nudes proposés à la vente, estprésentée dans un display s’inspirant des dispositifs utilisés dans les magasins d’électronique. L’espace d’exposition évoque l’intérieur d’un magasin de téléphonie mobile : au centre de la salle, plusieurs téléphones sont disposés sur une table. Il s’agit, en réalité, de petites lightboxes bricolées : des objets DIY composés de colle chaude et de coques de protections récupérées, qui reproduisent de manière rudimentaire ces outils de communication. Essyad imite ces objets indispensables à notre quotidien dans un fait-main volontairement vite fait, mal fait, non sans un plaisir parfaitement jubilatoire. Le boîtier des smartphones se transforme en support, cadres exclusifs de ses autoportraits, de ses mises en scène d’elle-même et de son personnage : autant d’écrins low-tech pour un corps à la fois déconstruit et augmenté, désinhibé, futuriste et cyborg. Pour Essyad, les outils informatiques (téléphones, câbles USB), comme les terminologies (mémoire vive, disques durs externes) sont des métaphores du corps humain, de son système veineux, nerveux, de sa mémoire, de son cerveau et de ses entrailles (INNARDS).
L’artiste, elle-même figure centrale d’un travail provocateur et décomplexé, propose une opposition aux dictats d’un physique parfait, en exposant la nudité d’un corps qui outrepasse les normes imposées par la société contemporaine, les réseaux sociaux et des standards totalement hors de portée. Giulia Essyad détourne à son profit ces outils de l’ultra-communication, avec humour, en les modifiant de manière volontairement bâclée. Elle s’en moque, essaye de les détruire de l’intérieur, consciente qu’il est presque impossible de s’en affranchir complètement.
Son personnage surexposé et hypersexualisé revendique un droit à la différence et à l’autodétermination, comme un moyen d’être totalement soi-même à travers une théâtralité joyeuse et exubérante. Elle joue avec les produits de la surcommunication et de la surinformation, dans un univers qui se veut totalement transparent mais qui produit, paradoxalement, dans un effet double bind, de la coercition, du contrôle et de l’intolérance.
Née en 1992 à Lausanne, Giulia Essyad est une artiste suisse qui vit et travaille à Genève. Son travail a été exposé dans divers espaces en Suisse ainsi qu’à l’étranger, lors d’expositions personnelles : INNARDS, CEC, Genève (2024) ; Tunnel Vision III, Tunnel Tunnel, Cinema Bellevaux, Lausanne (2023) ; Chocolate Factory, Cherish, Genève (2020) ; Blue Period, Lokal Int, Bienne (2020) ; A Selene Blues, Fri Art Kunsthalle, Fribourg (2020) ; Herstory, Tunnel Tunnel, Lausanne (2016) ; Faces of the Goddess, Quark, Genève (2016) ; Immortality, Forde, Genève (2015) ; Hunter, MJ Gallery, Genève (2014). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives : Bourses de la Ville de Genève 2024, Centre d’art contemporain, Genève (2024) ; Of Bodies in Digital Life, Kunsthaus, Langenthal (2024) ; Swiss Media Art – Pax Art Awards, HeK, Bâle (2024) ; Swiss Art Awards, BAK, Bâle (2023) ; Jane of All Trades, Schmorévaz, Paris (2023) ; A performer’s misfits, Oxyd, Winterthour (2023) ; Ja, wir kopieren, Kunstmuseum Solothurn, Soleure (2023) ; Prix Mobilière, Art Geneva, Genève (2023) ; Claustrophobia Alpina, curated by Varun Kumar, Forde, Genève (2022) ; Unbetrauerbar, For, Bâle (2022) ; Biennale de l’Image en Mouvement, CAC, Genève (2021) ; Octobre Numérique: Faire Monde, pays d’Arles (2021) ; Fotoromanza, Le Commun, Genève (2021) ; Contrology, Kunsthaus Riehen, Bâle (2021).
1. Le collodion humide est une technique photographique datant de 1860, rendue célèbre, notamment, par le photographe Eadweard Muybridge, précurseur de la chronophotographie.
À Venir
Giulia Essyad
INNARDS
Du 27 septembre au 25 octobre 2024
Vernissage, jeudi 26 septembre 2024, de 18h à 20h
Présentation de l’exposition par l’artiste, jeudi 24 octobre 2024, 18h30
Heimo Zobernig
Du 16 novembre 2024 au 21 février 2025
Vernissage, vendredi 15 novembre 2024, de 18h à 21h (Nuit des Bains)
Week-end des Bains, samedi 16 novembre 2024, de 11h à 18h