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Caroline Schattling Villeval
When a frog meets a dog

Caroline Schattling Villeval, When a frog meets a dog, vidéo d’animation, 5′, boucle, 2024

Au fond d’un lac quasi asséché, des grenouilles sont réunies autour d’une flaque d’eau. Leurs mouvements, au ralenti, presque imperceptibles, donnent vie à ce paysage désertique. Un chien entre dans le champ. Imposant, il déborde du cadre. Sa marche lance un mouvement panoramique.

Ainsi débute la vidéo de Caroline Schattling Villeval When a frog meets a dog, réalisée pour son exposition Carences et toute-puissance1. Cette nouvelle production s’inscrit dans la continuité de l’installation good boy (Hasch, Marseille, 2023) articulée autour du texte fictionnel Vie/Chienne, dans lequel est abordée la question de la domination en partant de l’interaction non consentie entre une personne et un chien à la langue baladeuse2. L’animal est à nouveau un des protagonistes de When a frog meets a dog, mais cette fois aux côtés de grenouilles.

Immense corps élancé au pelage doré, le chien animé par Caroline Schattling Villeval avance, menaçant. Il semble indifférent à tout, y compris aux amphibiens qui décident de se réunir pour stopper sa marche. Dressés en colonne, ils font masse devant cette manifestation de toute-puissance. Le contre-pouvoir, qui prend corps dans la force du groupe, est balayé d’un coup de patte. Il ne fait pas le poids. Échec cuisant : il pleut des grenouilles. Elles éclaboussent jusqu’à l’espace d’exposition, contaminent la salle. Le pouvoir absolu triomphe sur la force du collectif. Fin de l’histoire ? Dans When a frog meets a dog, les rapports de force s’exercent de manière sous-jacente à travers le processus technique. Un chien, des grenouilles, un bestiaire en modélisation 3D acheté en ligne comme on adopterait un animal : un acte de domination. Vient ensuite l’ordinateur. Loin de fonctionner de manière autonome, l’artiste tire les ficelles de ses pantins virtuels via un logiciel d’animation. Enfin, le chien, jamais entièrement visible, domine les grenouilles comme l’espace. Le chien, la première espèce animale domestiquée par l’Homme – son « meilleur ami » –, que Caroline Schattling Villeval a dressé pour entrer dans sa ronde. L’image tourne en boucle, mais qui mène la danse ? When a frog meets a dog estun tableau dans lequel les rapports de force se superposent en couches infinies.

1. Parallèlement à son exposition au Centre d’édition contemporaine, Caroline Schattling Villeval présente StéréoMimicry à la Salle Crosnier, Palais de l’Athénée, du 12 janvier au 10 février 2024.
2. Vie/Chienne a été rédigé par Caroline Schattling Villeval en 2023.  Le texte est à paraitre dans [SWISS] Weird & Magic #1 aux éditions Clinamen.

Née en 1995 à Zürich, Caroline Schattling Villeval vit et travaille à Genève. Son travail a été exposé dans divers espaces en Suisse ainsi qu’à l’étranger dans le cadre d’expositions personnelles, comme : StéréoMimicry, Salle Crosnier, Genève (12.01–10.02.2024) ; good boy, Hasch, Marseille (2023) ; No firing, avec Paul Paillet, Espace 3353, Carouge (2021) ; Chiara Chiara Chiara, Zabriskie Point, Genève (2020) ; Being fucked, Lokal-int, Bienne (2020). Elle a également participé à plusieurs expositions collectives, notamment : Basel Social Club avec Joyfully waiting, Bâle (2023) ; MINIMIRACLES, Sonnenstube, Lugano (2023) ; Bourses déliées – Arts Visuels, Halle Nord, Genève (2022); Prix Kiefer Hablitzel, Art Basel, Bâle (2022) Esprit d’Escalier, avec Paul Paillet, Centre d’édition contemporaine, Genève (2022) ; Plaisirs Minuit, Forde dans le cadre du Fesse-tival, Genève (2022) ; Peeping through the looking glass, Set Space, Londres (2021) ; Fotoromanza, Le Commun, Genève (2021) ; Silicon Malley, Prilly (2020) ; Weaving home, Limbo Space, Genève (2020).

Ce projet bénéficie du soutien de la Ville de Genève, et de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Laurence Bonvin, شالي (shali). Yann Chateigné Tytelman,
Blackout. Before publications

Laurence Bonvin, شالي (shali). Yann Chateigné Tytelman, Blackout. Before publications, vidéo, 1h 07’ 26”, son, français, 2023

Filmé au CEC le jeudi 25 mai 2023

Une soirée de présentation de deux « Before publications » a été organisée au CEC, le jeudi 25 mai 2023, en collaboration avec Joyfully Waiting, projet sonore de Nathalie Rebholz. Elle réunissait Laurence Bonvin (artiste, photographe et réalisatrice, née en 1967 à Sierre), dont la publication, شالي (shali). Before publication 7, est sortie en 2022, et Yann Chateigné Tytelman (auteur et commissaire d’exposition indépendant, né en 1977 à Bruxelles) qui lançait sa contribution, BlackoutBefore publication 10, dans le cadre de cet événement. Cette soirée offrait un espace de discussion autour des diverses thématiques abordées par les deux intervenants, en conversation avec Véronique Bacchetta. Chacun est revenu sur l’élaboration de sa « Before publication », aussi bien que sur sa pratique artistique, dans le cas de Laurence Bonvin, ou curatoriale, pour ce qui est de Yann Chateigné Tytelman.

Un interlude musical de RM, Dirty dirty desire, 2023, track par Pony Pride, sorti sur activeRat, a suivi la présentation des deux publications. Puis, la soirée s’est conclue sur une session d’écoute de Joyfully Waiting.

Dès 2019, le CEC lance la collection Before publication. Elle regroupe plusieurs textes d’auteurs ou inserts d’artistes qui paraissent régulièrement et jusqu’à l’édition définitive de L’Effet papillon, 2008–2024, second tome du catalogue rétrospectif du Centre d’édition contemporaine, L’Effet papillon, 1989–2007 (paru en 2008).
Laurence Bonvin, شالي. Before publication 7, 36 pages, éd. du CEC, 2022

La série de photographies Shali (maison en langue siwi), a été réalisée en février 2021 – Shali, photographies digitales (originaux en couleur), impression jet d’encre sur papier Hahnmühle, 74,7 x 58 cm, 2021. Elle désigne la forteresse du même nom, située au centre de l’oasis de Siwa en Égypte. La technique de construction, le kershef, est un mélange d’argile, de sel et de pierres. Elle est exemplaire de l’architecture vernaculaire berbère et offre une protection naturelle contre la chaleur du désert. Fortement érodée par le temps et les pluies torrentielles de 1926, la forteresse de Shali a été restaurée par le gouvernement égyptien qui veut faire de Siwa un centre éco-touristique.

Née en 1967 à Sierre, Laurence Bonvin est une photographe et réalisatrice suisse. Elle vit entre la Suisse et la ville de Lisbonne. Marquée par le documentaire, son approche est centrée depuis de nombreuses années sur le paysage, l’architecture et les phénomènes de transformation des environnements urbains et naturels. À travers son regard, l’artiste révèle les dimensions sociales, poétiques et politiques des lieux intermédiaires que sont les frontières, les friches, les zones préurbaines et périurbaines, et interroge leurs identités.
Son travail photographique a été présenté dans le cadre d’expositions individuelles, notamment : Blackrock, Biennale Dak’Art, Dakar (2022) ; Earth Beats, Kunsthaus Zürich (2021) ; See Pieces, Fondation Alfred Ehrhardt, Berlin (2021) ; Les lois de l’improbabilité, Centre pour la photographie, Genève (2020). Elle a également participé à l’exposition collective, La montagne en perspective, auMusée d’Art et d’Histoire, Genève (2022-23). Laurence Bonvin a réalisé plusieurs court-métrages présentés dans le cadre d’expositions ainsi que sélectionnés par des festivals internationaux, comme Ghost Fair Trade (2022). Elle a bénéficié d’un atelier Pro Helvetia Le Caire entre 2020 et 2021.
Yann Chateigné Tytelman, BlackoutBefore publication 10, 44 pages, éd. du CEC, 2023

« Tout a commencé par une lettre à mon père. Cela faisait une dizaine d’années qu’il était mort, et j’ai tout à coup eu envie de lui écrire au sujet du silence, de son silence, du silence entre nous. Cela a commencé en 2020, comme une nécessité. Le silence, alors, était frappant. Il résonnait avec d’autres voix effacées, d’autres vides, d’autres émotions. J’ai cru que je n’arriverai pas à m’arrêter. Ni journal, ni essai, ni nouvelle, Blackout est un tissage, une tresse faite de ces lignes de silence, et raconte, par fragments, l’histoire d’une dépossession, d’une entrée dans l’obscurité. »

(Yann Chateigné Tytelman, BlackoutBefore publication 10, extrait tiré du colophon)

Yann Chateigné Tytelman est né en 1977 à Bruxelles, où il vit. Il est auteur et commissaire d’exposition indépendant Il a été conseiller artistique à MORPHO, Anvers ; curateur à KANAL – Centre Pompidou, Bruxelles (2019–2021) ; responsable du Département Arts Visuels de la HEAD – Genève (2009–2017) et de la programmation au CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux (2007–2009). Il a récemment organisé Four Sisters (Musée Juif de Belgique, Bruxelles, 2023), A Glittering Ruin Sucked Upwards (HISK, Bruxelles, 2022), Gordon Matta-Clark : Material Thinking (Centre Canadien d’Architecture, Montréal et Museum der Moderne, Salzburg, 2019–2021) et By repetition, you start noticing details in the landscape (Le Commun, Genève, 2019). Il a contribué à Conceptual Fine ArtsMousseet Spik, et a coédité Almanach Ecart. Une archive collective, 1969–2019 (HEAD – Genève/ art&fiction, 2019).
Ce projet bénéficie du soutien de la Ville de Genève, et de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Liz Craft & Paul-Aymar Mourgue d’Algue
Conversation

Liz Craft & Paul-Aymar Mourgue d’AlgueConversation, vidéo, 32’03”, son, anglais, 2023

Née à Los Angeles en 1970, Liz Craft appartient à une génération d’artistes fortement inspirée par l’imaginaire libertaire de la Côte Ouest des États-Unis, héritière de l’esprit du Flower Power des années 1970 et du militantisme sexuel des années 1980. Dans l’interview donnée à l’occasion de son exposition, Ms. America, au CEC, du 5 novembre 2022 au 3 février 2023, Craft revient sur son parcours de vie et d’artiste avec son ami et galeriste genevois Paul-Aymar Mourgue d’Algue. Craft évoque notamment l’importance et l’influence qu’ont eues sur son travail la communauté d’artistes et les synergies créées autour des projets comme Paradise Garage, petite galerie fondée avec Pentti Monkkonen dans le garage de leur maison à Venise, Californie. Elle revient également sur la foire d’art Paramount Ranch qu’elle et Monkkonen mettent sur pied dès 2014 avec les galeristes Alex Freedman and Robbie Fitzpatrick, et qui établit des échanges entre Los Angeles et les scènes artistiques européennes. L’artiste retrace également l’évolution de son travail qui passe d’une production monumentale à une production artisanale, légère et rapide ; en somme, plus libre, telles les Pac-Women, sortes de figurines-marionnettes, présentées à son exposition au CEC. Liz Craft & Paul-Aymar Mourgue d’Algue. Conversation est la deuxième vidéo d’une série de discussions filmées entre des artistes et des personnalités du monde de l’art, impliquées dans la programmation du CEC.
Liz Craft (1970, Los Angeles) vit et travaille à Berlin. Elle a été exposée, entre autres, à la galerie Real Fine Arts, New York, Truth and Consequences, Genève, Jenny’s, Los Angeles, à la Neue Alte Brücke, Frankfort entre 2015 et 2022. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : Me Princess, Kunsthaus Centre d’art Pasquart, Bienne (2023) ; Ms. America, Centre d’édition contemporaine, Genève (2022) ; Cavern, Neue Alte BrückeFrankfort (2022) ; Do You Love Me Now ? Kunsthalle und Kunstmuseum, Bremerhaven (2022) ; Escape From New York, Baby Company, New York (2019) ; QUERELA, Galeria Zé dos Bois, Lisbonne (2019) ; Watching You Watching Me, Jenny’s Gallery, Londres (2018). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives : Kreislaufprobleme, Croy Nielsen, Vienne (2019), Tranted Love, Confort Moderne, Poitiers (2018) ; Sueurs Chaudes, South Way Studio, Marseille (2017) ; Medusa. Bijoux et tabous, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Paris (2017).


Paul-Aymar Mourgue d’Algue (Genève, 1974) vit et travaille à New York. Il est commissaire d’exposition indépendant et critique d’art.
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Jonathan Monk 
Soft Boiled Eggs 

Jonathan MonkSoft Boiled EggsSoft Boiled Egg 1/10 + Soft Boiled Eggs 9/10 + Soft Boiled Eggs 2/10 + Soft Boiled Eggs 8/10 + Soft Boiled Eggs 3/10 + Soft Boiled Eggs 7/10 + Soft Boiled Eggs 4/10 + Soft Boiled Egsg 6/10 + Soft Boiled Eggs 5/10 + Soft Boiled Eggs 10/10, transfert des DVD de l’édition originale (2013), 3h 59′ 13”, boucle, muet, 2023

Jonathan Monk procède par formule, par série. Il élabore des partitions qui, une fois établies, sont réalisées, cette seconde partie n’étant pas forcément l’étape la plus importante. Ces partitions pourraient d’ailleurs être considérées comme une forme « élargie » de l’édition, un jeu avec certains de ses paramètres : le droit à l’image, le copyright, la propriété artistique. Jonathan Monk est le parfait candidat à l’édition, puisque pour lui, original et copie représentent, surtout, et au-delà de leur valeur marchande, des possibilités infinies et très libres de croisement, de brouillage. C’est ainsi qu’il revisite certains standards artistiques souvent déclinés sous la forme de multiples, comme un acteur qui rejouerait ses classiques, ferait ses gammes.
S’il entretient une distance ironique avec l’art, conceptuel le plus souvent, il entretient le même recul amusé et critique avec la société et ses dérives. Monk met en scène et vit la prolifération des signes, qu’ils soient artistiques ou consuméristes, comme une forme d’invasion de notre espace de vie, quotidienne et mentale, qu’il recompose et réorganise pour en extraire toute l’absurdité, dans un décalage souvent plus affectif et autobiographique qu’il n’y paraît. 

Pour son exposition personnelle, Egg, qui a eu lieu au CEC du 21 février au 27 avril 2013, Jonathan Monk a imaginé une édition, Soft Boiled Eggs, composée d’une série de films Super 8 uniques dont le système de réalisation est basé à la fois sur la durée d’une bobine standard Super 8 et sur le temps de cuisson d’un œuf. Une édition dont chaque exemplaire est produit toutes les deux minutes et demie, suivant une procédure mécanique.
Dans une même casserole, Monk ajoutait un œuf toutes les deux minutes et demie : ainsi, pour le premier exemplaire, le film ne montre qu’un œuf ; le deuxième, deux œufs, etc. jusqu’à dix œufs pour le dixième exemplaire. Si cette proposition semble simpliste, elle apparaît comme une référence candide aux œufs ou aux séries d’œufs plus anciennes ; on pense à Manzoni, Broodthaers, Kippenberger… mais également à l’œuf comme symbole de l’objet ou du multiple parfait, pour Jonathan Monk, une idée à laquelle il ne pouvait échapper : « I like boiled eggs and I couldn’t escape from them! – for me they represented the beginning of something… in this case the egg and not the chicken… »

L’édition finalisée est composée d’une bobine de film Super 8, d’un transfert DVD et d’un certificat d’authenticité signé par l’artiste. Le tout dans une boîte noire dont le couvercle porte le motif de 10 œufs de couleur différentes réalisé au pochoir. Une édition de Pâques en quelque sorte.


Johnathan Monk, Soft Boiled EggsSoft Boiled Egg 1/10 + Soft Boiled Eggs 9/10 + Soft Boiled Eggs 2/10 + Soft Boiled Eggs 8/10 + Soft Boiled Eggs 3/10 + Soft Boiled Eggs 7/10 + Soft Boiled Eggs 4/10 + Soft Boiled Egsg 6/10 + Soft Boiled Eggs 5/10 + Soft Boiled Eggs 10/10, vidéo, 10 films uniques issus de l’édition produite par le CEC en 2013 monté dans un ordre proposé par Jonathan Monk  : 1/10 + 9/10 + 2/10 + 8/10 + 3/10 + 7/10 + 4/10 + 6/10 + 5/10 + 10/10, mis bout à bout, en boucle, transferts des DVD de l’édition initiale, montage, temps de chaque film = temps de cuisson d’un œuf, de 2 œufs, de 3 œufs, de 4 œufs, 5, 6, 7, 8, 9, de 10 œufs, couleur, 2023


Johnathan Monk
Soft Boiled Eggs
Soft Boiled Egg 1/10, …, Soft Boiled Eggs 10/10, 10 films uniques, Super 8 et DVD, couleurs, temps du film = temps de cuisson d’un œuf, de deux œufs, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix œufs, boîte cartonnée noire dont le haut du couvercle porte un motif peint d’œuf, au pochoir, réalisé par Jonathan Monk, spray, couleurs, contenant une bobine de film Super 8, un transfert DVD, ainsi qu’un certificat d’authenticité signé, 10 exemplaires numérotés de 1 à 10, datés. Édition du Centre d’édition contemporaine, Genève, 2013.
Jonathan Monk est né à Leicester en 1969, il vit et travaille à Berlin. Ses dernières expositions personnelles ont eu lieu en 2023 chez Cristina Guerra, Lisbonne, à la galerie Dvir, Paris, au König2 project space, Vienne ; en 2022, à la galerie Casey Kaplan, New York, Massimo de Carlo, Paris, et Meyer Riegger, Karlsruhe. En 2023, il a participé à plusieurs expositions collectives, entre autres, à la Galerie Nicolai Wallner, Copenhague, au Mudac, Lausanne, à la Fondation Morra Greco, Naples ; en 2022, à la Collection Boros, Berlin, au MAH, Genève, au Design Museum Holon, Israël, et au MAAT, Lisbonne. 
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Paul Paillet
Surprise/Innocence

Paul Paillet, Surprise/Innocence, vidéo d’animation, 7’24’’, musique, 2023

Le travail de Paul Paillet compose le récit fragmenté d’une histoire intime immergée dans l’histoire collective, mêlant aussi bien des références à la pop culture qu’à la culture underground des années 1990-2000.

Surprise/Innocence, de Paul Paillet, est un vidéo-clip d’animation réalisé à partir d’une série de dessins. Avant de procéder à une technique personnelle de collage, Paillet maroufle son papier dans un moule, ce qui lui confère un léger effet de gaufrage. La colle utilisée est teintée de pigments naturels. Au moment du séchage, le papier se détache du moule imprégné de couleurs, souvent vives et acidulées. Ce procédé laisse transparaître un dessin final à l’aspect aqueux sur la surface du papier.

C’est en suivant cette même méthode que Paul Paillet a réalisé le décor de Surprise/Innocence, une succession de collines sur fond de soleil couchant et d’architectures plus ou moins énigmatiques duquel un personnage tirant grossièrement la langue surgit subitement, dans une danse à la fois hypnotique et malhabile. Au format vertical rappelant les écrans de smartphone, l’animation tourne en boucle sur une bande sonore Hardtek à laquelle se joignent les voix des membres du groupe de K-pop, BTS. Ils lisent, en réalité, des extraits du roman DemianDie Geschichte einer Jugend de Hermann Hesse (1919), ironique croisement entre l’esprit alternatif des années 60 et le boys band interplanétaire sud-coréen.

Paul Paillet (1986, Dijon) vit et travaille à Genève. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : Fantasy à la Salle Crosnier, Genève (2022) ; Fascination for fire au Centre d’édition contemporaine, Genève (2020). Il a également participé à plusieurs expositions collectives : Sublime Rage à French Place, Londres (2022) ; Atmosphères à la Pace Gallery, New-York (2021).
BTS, WINGS, Shortfilm #1, Begin

The realms of day and night, two different worlds coming from two opposite poles, mingle during this time.    


BTS, WINGS, Short Film #2 LIE, 2016

My parents’ house made a realm. This realm was familiar to me in almost every way, mother and father, love and strictness, model behaviour and school.


BTS, WINGS, Short Film #3 STIGMA, 2016

It was the first fissure in the columns that had upheld my childhood which every individual must destroy before he can become himself.  Such fissures and brands grow together again, heal, and are forgotten, but in the most secret recesses they continue to live and bleed.


BTS, WINGS, Short Film #4 FIRST LOVE, 2016

There are enormous ways which god can make us lonely and lead us back to ourself. This was the way he sealed with me at that time.


BTS, WINGS, Short Film #5 REFLECTION, 2016

The other realm, however, overlapping half our house was completely different. A loud mixture of horrendous, intriguing, frightful, mysterious things, including slaughterhouses and prisons, drunkards, scratching fishwives, calving cows, horses sinking to their death, tales of robberies, murder and suicide.


BTS, WINGS, “Boy Meets Evil”, Comeback Trailer, 2016

My sin was not specifically this or that, but consisted of having shaking hands with the devil. The devil held me in his clutches, the enemy was behind me.


BTS, WINGS, Short Film #7 AWAKE, 2016

The bird fights its way out of the egg. The egg is the world. Who had been born must first destroy a world. The bird flies to God. That God’s name is Abraxas.


BTS, WINGS, “Blood, Sweat & Tears”, 2016

He too was a tempter. He too was a link to the second, the evil world with which I no longer wanted to have anything to do.
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Mai-Thu Perret & Matthew Lutz-Kinoy
Conversation

Mai-Thu Perret & Matthew Lutz-Kinoy, Conversation, vidéo, 38’20’’, son, anglais, 2022

Du film à la performance, en passant par la peinture, la sculpture et l’installation, la pratique de Mai-Thu Perret est multiple, mêlant aussi bien le modernisme, le mouvement Arts and Crafts que les spiritualités orientales. Ses œuvres abordent diverses thématiques portant aussi bien sur les questions de genres et les politiques féministes radicales, que sur l’humain (le corps, la sexualité, le médical), l’espace intime (mobilier, objets usuels, décors) ou encore l’enfance (dessins, jeux). C’est notamment son intérêt pour certaines techniques artisanales qui lie Mai-Thu Perret à Matthew Lutz-Kinoy, dont les travaux expriment très librement des questionnements liés au corps, à la sexualité et aux genres. Dans une narration souvent autobiographique, l’artiste exprime son engagement pour une société plus tolérante et moins conventionnelle.

Conversation est une interview entre Mai-Thu Perret et Matthew Lutz-Kinoy, la première d’une série de discussions filmées que le CEC produira avec des artistes et autres personnalités du monde de l’art impliqués dans sa programmation. Cette interview est l’occasion de revenir sur l’édition Scrolls in the Wind que Matthew Lutz-Kinoy avait réalisée pour le Centre en 2018 et la récente exposition et édition que Mai-Thu Perret My sister’s hand in mine a réalisées pour le Centre en 2022. L’interview dévoile la complicité entre ces deux artistes au parcours singuliers et leur intérêt partagé pour l’artisanat.

Mai-Thu Perret (1976, Genève) vit et travaille à Genève. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : Mother Sky au David Kordansky Gallery, Los Angeles (2023) ; Real Estate et Untitled à l’Instituto Svizzero, Rome (2021 et 2022) ; My sister’s hand in mine au Centre d’édition contemporaine, Genève (2021). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives : Les Flammes au Musée d’art moderne de Paris, Paris (2021) ; Same things make us laugh, make us cry au Body Archive Project, Zurich (2021).

Matthew Lutz-Kinoy (1984, New York) vit et travaille entre Los Angeles et Paris. Ses projets ont été exposés dans diverses expositions individuelles tel que : Plate is Bed, Plate is Sun, Plate is Circle, Plate is Cycle à la Galerie Kamel Mennour, Paris, France (2022); Soap Bubbles à Art Basel Parcours, Basel (2022) et il a récemment participé aux expositions collectives suivantes : River of Rebirth au Z33, Hasselt (2023) ; Le salon de musique, au Kamel Mennour, Paris (2022).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Paul Viaccoz
Murs chamaniques. Commentaires

Paul Viaccoz, Murs chamaniquesCommentaires, vidéo, 5’41’’, son, français, 2022

Dans un aller-retour entre la magie et les limites de la science, entre illusion et réalité, les dessins, peintures murales et assemblages d’objets de Paul Viaccoz oscillent entre constats, menaces et prédictions, une vision à la fois surréelle et horrifiée de la violence et l’horreur de l’actualité et ses déflagrations mortifères : guerres, maladies, pandémies.

Enregistré en janvier 2022 à Courroux dans l’atelier de Paul Viaccoz, Murs chamaniques. Commentaires est comme une prolongation de l’exposition ESPRIT ES-TU LÀ ? a eu lieu quelques mois auparavant au CEC. Il y raconte en voix-off son voyage spirituel à la rencontre de la maladie et de la mort. Le film offre également un voyage visuel, un « travelling » le long d’un mur de son atelier réunissant des objets, souvenirs ou mystiques personnelles qui constituent les Murs chamaniques, que l’artiste recompose en continu et in situ, depuis quelques années. Jour après jour, il y a assemblé des objets trouvés dans la nature ou issus de la vie courante, des souvenirs, fétiches, talismans, juxtaposés ou recombinés à des photographies, dessins, screenshots de vidéos, cartes postales, masques, instruments de musique, têtes de morts, sabres, fleurs séchées, plumes, bijoux et broderies. Cet ensemble d’objets, d’images et de textes forme un puzzle mural, reconstruit au grès de son humeur, ses réflexions et son histoire. 

Paul Viaccoz (1953, Saint-Julien-en-Genevois) vit et travaille dans le canton du Jura. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : ESPRIT ES-TU LÀ ? au Centre d’édition contemporaine, Genève (2021) ; La censure des messages au Musée jurassien des arts, Moutier (2018). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Résonnances (2021) et Mystères et frissons (2022), toutes deux au Musée jurassien des Arts, Moutier ; Sans titre, entre autres, David Mamie, Xavier Robel et Nicola Todeschini, un regard sur la collection de dessins du FMAC, Le Commun, Bâtiment d’art contemporain, Genève (2019).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Guillaume Dénervaud
AGLOROMONES

Guillaume Dénervaud, AGLOROMONES, vidéo, 2’53’’, son, 2022
Guillaume Dénervaud pratique autant le dessin, l’imprimé, la sculpture que l’installation avec un intérêt pour des formes issues de la science-fiction, du cinéma, de la bande dessinée ou de la littérature. Il s’inspire également du réel, mêlant des références à des objets décoratifs et utilitaires, retrouvant des matériaux, des techniques et des formes souvent issues de l’artisanat, du design ou plus simplement de la culture populaire et du quotidien. Il croise des modes de production contemporains et des pratiques traditionnelles, oubliées ou redécouvertes. Le travail graphique de Guillaume Dénervaud, soigneusement exécuté à la main, convoque la précision et la rigueur des dessins techniques industriels et mécaniques. Mais, à y regarder de plus près, le langage graphique figuratif de ces derniers cède la place à une abstraction poétique composée d’infinies combinaisons de formes cellulaires, rondes et serpentine, interconnectées aux textures soyeuses des rendus numériques.
AGLOROMONES est le premier travail vidéo de Guillaume Dénervaud. Il présente une sélection d’images tournées en extérieur qui incarnent la matière brute des recherches et préoccupations anthropiques qui sous-tendent l’ensemble du travail de l’artiste. Tournées sur le trajet qui sépare l’ancien lieu de résidence de Guillaume Dénervaud dans le 18ème arrondissement de Paris et son atelier à Saint-Denis, les images documentent les observations quotidiennes de l’artiste sur cette partie de la ville en pleine mutation. AGLOROMONES propose une série de scènes filmées entre abstraction et réalité, une traversée d’espaces interstitiels et périphériques ; des zones de transit entre ville et campagne.
Guillaume Dénervaud (1987, Fribourg) vit et travaille à Paris. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : Syntetic Splinter, à la galerie Bel Ami, Los Angeles (2023), Surv’Eye, au Centre d’édition contemporaine, Genève (2021), STRATA à La Cristallerie, Saint-Louis (2020). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : La main-pleur à la Kunsthalle Friart, Fribourg (2022), Des corps, des écritures, au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris (2022), Les formes du transfert, aux Magasins Généraux, Paris (2022).
Le projet Videos: new and revisited bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

La vidéo de Guillaume Dénervaud AGLOROMONES bénéficie du soutien du Fonds cantonal d’art contemporain du canton de Genève.

Liz Craft
Brave new world, March 2020

Liz Craft, Brave new world, March 2020, vidéo, 17’’, 2020

Liz Craft appartient à une génération d’artistes fortement inspirés par l’imaginaire à la fois kitsch et libertaire de la Côte Ouest des États-Unis. Son univers oscille entre l’esprit léger et libéré du Flower Power des années 1970 et la sexualité́ militante des années 1980. L’intérêt de Craft pour le matériel utilitaire et courant l’amène à les combiner dans des sculptures, souvent des marionnettes ou sorte de poupées, personnes bricolées mais très expressifs, qui brouillent les frontières entre arts et artisanat, mais également entre installation et scène de théâtre, entre fiction et récit personnel.

Pour la première partie du projet Videos : new and revisited, nous présentons un film court de Liz Craft, Brave new world, March 2020, vidéo, 17’’, 2020, dont l’enregistrement s’est fait avec un simple iphone, pendant la période du confinement en mars 2020 dans le Parc National de Joshua Tree, au sud-est de la Californie. Ce long traveling sans fin, parcours le désert, sans aucuns touristes ni âme qui vive, et donne une impression de liberté et de mouvement, vertigineuse dans ce moment étrangement statique et d’enfermement. Ce film a fait l’objet d’une commande, passée à plusieurs artistes pendant le confinement et la fermeture CEC dont Guillaume Dénervaud, Giulia Essyad, Paul Paillet, Mai-Thu Perret et RM. Cette série de films courts ou d’images a été diffusée sur la page Instagram du CEC dans une mini-série intitulée « MEANWHILE », en attendant que le CEC puisse rouvrir en mai 2020. 

Liz Craft (1970, Los Angeles) vit et travaille à Berlin. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : Ms. America, au Centre d’édition contemporaine, Genève (2022); Cavern, à la Neue Alte Brücke, Frankfort (2022) ; Do You Love Me Now ? à la Kunsthalle und Kunstmuseum, Bremerhaven (2022). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives : Kreislaufprobleme à Croy Nielsen, Vienne (2019), Tranted Love au ConfortModerne, Poitiers (2018) ; Sueurs Chaudes au South Way Studio, Marseille (2017).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Jeffrey Vallance
The Gospel According to Jeffrey

Jeffrey Vallance, The Gospel According to Jeffrey, vidéo de la performance à la chapelle de Saint-Léger, Genève, 82’, son, français, 2012

Issu de la contre-culture, Jeffrey Vallance (né en 1955, il vit et travaille à Reseda/Los Angeles) est un artiste californien qui revisite les rituels religieux, le folklore et les pratiques fétichistes. Endossant tour à tour le costume d’ambassadeur, d’anthropologue, d’explorateur, d’écrivain, de professeur ou encore de chercheur en phénomènes paranormaux, Vallance est un collectionneur compulsif qui alimente son fonds de commerce de mythologies personnelles et collectives. Marqué par la figure de son aïeul Emil Knudsen (1872-1956), célèbre médium norvégien, il croit fermement à la part d’inspiration de son travail, souvent perçu comme un dialogue avec l’au-delà. Aussi fait-il de son quotidien un monde enchanté, ouvert aux actes de foi, aux mystères et aux révélations. Élevé dans la stricte tradition luthérienne et versé dans un art contemporain flirtant avec l’hérésie, Vallance résout cette apparente contradiction dans sa nature dyslexique, qui lui permet de faire coexister harmonieusement des croyances contradictoires. C’est en visitant le Musée International de la Réforme – lors de sa première venue à Genève à l’invitation du Centre d’édition contemporaine –, que l’artiste s’est senti interpellé par la figure de Jean Calvin, invitant tout bon chrétien à diffuser largement la parole de Dieu. A cinq siècles de distance, il lui fallait prendre le message au sérieux en publiant rien de moins que sa propre Bible – The Vallance Bible. Ce geste audacieux serait à nouveau marqué au sceau du paradoxe : un accomplissement spirituel et artistique, tout comme un acte blasphématoire, ou du moins largement teinté d’ironie. L’exposition de Jeffrey Vallance au Centre d’édition contemporaine constitue la première exposition personnelle de l’artiste en Suisse. A cette occasion, il présentera sa bible « personnalisée » en anglais, The Vallance Bible (coédition Grand Central Press, Santa Ana et Centre d’édition contemporaine, Genève, 2011), ainsi qu’une production inédite de dessins et d’éditions, sortes de bondieuseries inspirées du merchandising religieux. (Eveline Notter, extrait du communiqué de presse de l’exposition, Jeffrey Vallance, The Vallance Bible).

Pour le projet, Videos : new and revisited, et sa partie « Archives », nous présentons pour la première fois le film qui a été réalisé lors de la performance de Jeffrey Vallance, The Gospel According to Jeffrey, le 29 mars 2012, lors du vernissage de son exposition personnelle, The Vallance Bible, qui a eu lieu au CEC du 30 mars au 5 mai 2012. L’exposition et la performance ont été organisées par la commissaire d’exposition, Eveline Notter, Genève. Cet événement s’est déroulé dans la Chapelle de Saint-Léger, voisine du CEC, qui a l’époque était situé dans cette même rue. Cette performance ressemblait davantage à une cérémonie, plus œcuménique que réellement religieuse. Elle réunissait pour une table ronde plusieurs experts, universitaires, conservateurs ou religieux, représentants du catholicisme, du protestantisme et du bouddhisme, comme Jérôme Ducor (l’ex-conservateur du département Asie, du Musée d’Ethnographie de Genève, bonze bouddhiste, Genève), Xavier Gravend-Tirole (théologien et chercheur, ancien assistant à l’Université de Lausanne et à l’institut religions, cultures, modernité de Lausanne, IRCM), le pasteur William McComish (ancien doyen de la Cathédrale St-Pierre, Genève), Gabriel de Montmollin (ex-directeur des éditions Labor et Fides, actuel directeur du Musée International de la Réforme, Genève) et Humberto Salvagnin (organiste à la Paroisse de St-Thérèse, Genève). Suite à la lecture du chapitre, The Gospel According to Jeffrey, tiré du livre coédité par Grand Central Presse, Santa Ana et le CEC, par le « célébrant humaniste » Julien Abegglen Verazzi, chaque intervenant s’était exprimé et avait réagi au gospel et à la bible très personnelle de Vallance. La performance se terminait par une discussion avec le public, et le cantique de Martin Luther, Ein fest Brug ist unser Gott.

Jeffrey Vallance (1955, Torrance) vit et travaille à Los Angeles. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme A Voyage to Extremes au Ampersand cooperative structure, Lisbon (2023) ; Relics: Blinky and Bloody Blanket au International Cryptozoology Museum, Portland (2022). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Lächerlich Deins! Au Bundeskunsthalle, Bonn (2022) ; Urban Explorer à Knoxville Community Media, Knoxville (2022).
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Gerard Byrne
For example; a sketch of Five Elevations, 1971-72

Gerard ByrneFor example ; a sketch of Five Elevations, 1971-72, vidéo, 9′ 37”, boucle, muet, 2011

Pour son exposition au Centre d’édition contemporaine en 2011 (4. 05 – 16. 07. 2011), Gerard Byrne a réalisé film lié à une œuvre de Richard Serra datant de 1971-72, Five Elevations, installée dans le parc d’une collection privée à l’extérieur de Londres et à laquelle il a pu avoir accès. Ce film fait suite à une série de recherches sur l’abstraction, le minimalisme et à un précédent travail, A thing is a hole in a thing it is not (vidéo, 2010). Il a été produit et présenté une première fois au Van Abbemuseum, Eindhoven, puis à la Renaissance Society, Chicago, au Lismore Castle Arts, County Waterford, Irlande, ainsi qu’au 2010 Glasgow International Festival of Visual Art. Cette pièce de 2010, constituée de plusieurs films courts, met en scène des œuvres issues de la collection du Van Abbemuseum, qui représentent en quelque sorte la quintessence du minimalisme américain : avec des peintures et sculptures de Carl Andre, Donald Judd, Dan Flavin, Robert Morris et Frank Stella. Réinstallées par Gerard Byrne dans les salles du musée d’Eindhoven, ces œuvres rejouent leur présence au musée. La caméra filme aussi bien les œuvres que le contexte : monteurs, photographes, nettoyeurs, gardiens et visiteurs. Les prises de vue sont le résultat de balayages ou de va-et-vient distancés entre l’environnement, des détails apparemment anodins et les œuvres elles-mêmes, devenues elles aussi objets. Le déplacement de point de vue qu’opère Gerard Byrne est recontextualisé dans le champ du minimalisme par Penelope Curtis dans son texte, A local address, paru dans le catalogue Tuxedo Junction (1960), à propos de A thing is a hole in a thing it is not :

« This means that we are left with the possibility of thinking of Minimalism’s project as both romantic and classical; as a work of the imagination as well as of manufacturing; an idea as well as an object ; a dream as well as a result. It is also made clear, however, that Minimalism is not just about us, and our experience, but also about how other experiences are mediated for us, whether in text, voice or imagery. »1 Catalogue dans lequel il est également noté en exergue : « Assembled and edited by Gerard Byrne upon the achievements of the Minimalists and their critics. »2

Pour For example ; a sketch of Five Elevations, 1971-72, la caméra flotte autour de Five Elevations. Les prises de vues reprennent des standards cinématographiques, créent une image subjective de cette sculpture relativement complexe. En toile de fond et sans que ce soit le sujet du film, la caméra enregistre simultanément et partiellement un shooting pour un magazine de mode, qui se déroule là par pure coïncidence. Malgré ces deux plans de circonstance, l’œuvre de Richard Serra reste le personnage principal de cette fiction, même si la confrontation avec le shooting transforme Five Elevations en une sorte de « Stonehenge » provocant un back-clash temporel : l’éternel vs l’éphémère.

Gerard Byrne pose ici, comme dans ses précédents travaux, la question de la transmission, historique ou artistique, d’une réalité connue, médiatisée, phénoménologique ou davantage encore iconique, en la mettant à l’épreuve de son enregistrement ou de son réenregistrement (film, photographie), de sa diffusion et de sa réception :

« The idea was to construct for each work a kind of self-awareness of being viewed. I am interested in how the camera tries to construct and elaborate those viewpoints in a filmic sense. I recall Beckett’s Film quoting our fellow Irishman Bishop Berkeley – »To be is to be perceived ». 


Gerard Byrne, For example ; a sketch of Five Elevations, 1971-72, vidéo HD, boucle, couleur, muet, lecteur multimédia (full HD), 20 exemplaires, 2 E.A. et 2 H.C., numéroté, daté et signé. Edition du Centre d’édition contemporaine, Genève, 2011
Gerard Byrne a exposé en 2020 au Centraal Museum Utrech (2020), à la Sessession, Vienne (2019), au Moderna Museet, Stockholm (2017), au Kunstmuseum St. Gall (2015), au FRAC des Pays de la Loire, Nantes (2014), au Baltimore Museum of Art (2013), à la Bonniers Konsthall, Stockholm (2013), à la Whitechapel Art Gallery, Londres (2013), à la Renaissance Society, Chicago (2011), à la Lisson Gallery, Londres et New York (2017, 2013, 2009 et 2007). Il a également exposé à la Kunstverein, Düsseldorf (2007) et pour le Pavillon Irlandais de la 52ème Biennale de Venise (2007). Il a participé à plusieurs expositions collectives à la Tate Britain, Londres (2006, 2010 et 2014), au MUDAM, Luxembourg (2010), au Kunstmuseum Basel, Bâle (2010), à la Malmö Konsthall (2010) et au Henry Moore Institute, Leeds (2010), ainsi qu’à la Biennale de Turin, de Gwangju et de Sydney (2008) et à celle de Lyon (2007). Il a participé à l’exposition ILLUMInazioni pour la 54ème Biennale de Venise (2011), à la Documenta 13, Kassel (2012), à The Art of Memory, à la Bonniers Konsthall, Stockholm (2012), Salon der Angst, à la Kunsthalle, Vienne (2012) et Trapping Lions in the Scottish Highlands, Aspen Art Museum (2912), à Curiosity, De Appel, Amsterdam (2012), The Persistence of Objects, Lismore Castle, pour Out of Body, Out of Time, Out of Place, Skulptur Projekte 2017, Münster (2017) et à la Biennale de Busan (2020).

1 Penelope Curtis, « A local address », in Gerard Byrne, Tuxedo Junction, 1960, Lismore Castle Arts, Lismore, Co Waterford, Irlande, 2010
2 Gerard Byrne, Tuxedo Junction, 1960, Lismore Castle Arts, Lismore, Co Waterford, Irlande, 2010, page de garde
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Gianni Motti
Cosmic Storm, Cern

Gianni Motti, Cosmic Storm, Cern, vidéo, 30’, son, 2006

Le travail de Gianni Motti révèle les faces cachées du système politique et, plus globalement, de l’état du monde. L’artiste aime considérer « le dessous des cartes », l’au-delà des apparences et de la conscience, comme les phénomènes paranormaux et d’anticipation, les mouvements sectaires, les instincts primitifs et les théories du complot.

Les oeuvres de Gianni Motti ne sont ni des sculptures ni des installations, pas même des ready-made, peut-être des ready-made assistés, parfois des multiples, plus rarement des pièces uniques, mais surtout des témoignages – textes, photographies, films – d’actions. Des gestes qui sont à considérer « en l’état », « comme dans la vie », mais qui, si l’on y regarde à deux fois, détournent et interrogent leur fonction et leur signification première, qu’elles soient sociales, politiques ou symboliques. Gianni Motti aime démystifier les croyances, la morale et le consensus, en les réinvestissant d’un sens nouveau, d’une prise de position décalée et inattendue ou d’une dénonciation souvent ironique et critique.

Le mode de détournement pratiqué par Gianni Motti semble davantage s’assimiler à des tentatives de contournement, voire à des tours de passe-passe : mort le 29 juillet 1989, il organisait son propre enterrement à Vigo (Entierro n°1) et se donnait la liberté de ressusciter, d’être quelqu’un d’autre et de choisir son identité. Plus significatif encore, la gestion de sa rétrospective proposée en 2004 par le Migros Museum de Zurich (Plausible Deniability). L’espace était totalement dédoublé de cloisons en contreplaqué, reconstruisant un parcours labyrinthique vide qui dirigeait, implacablement, le spectateur vers l’arrière-cour du musée. Les œuvres absentes, le commentaire les remplaçait, assumé par plusieurs guides chargés de présenter les étapes importantes du travail de Gianni Motti. Ce dernier substituait ainsi la narration à la réalité ; une manière d’organiser et de contrôler lui-même son passage à la postérité, de proposer un récit, de construire une légende et de donner définitivement à sa pratique artistique le statut de fiction.

Pour le projet Videos : new and revisited, et cette première série de projections, la vidéo de Gianni Motti, Cosmic StormCern, qui a été réalisée au Cern grâce à la technique de l’infra-rouge. Elle relate l’expérience que Gianni Motti a pu vivre grâce à un groupe de scientifiques, qui ont découvert l’existence des neutrinos, particules invisibles et évanescentes, issues de la réaction nucléaire du cœur du soleil. Enfermé dans une sorte de boîte, Motti est percuté en permanence par ces neutrinos dont nous visualisons les trajectoires grâce à un système de détecteurs. Ces particules inframinces percutent en continu tous les corps, humain ou non, et sont constamment présentes dans notre environnement, sans que nous ne puissions jamais les voir ni les percevoir. Elles peuvent parcourir des kilomètres pour aller percuter des montagnes ou s’échouer au fond des océans.

Cette vidéo est une édition produite par le CEC pour l’exposition personnelle de Gianni Motti, Perpetual Channel, qui a eu lieu en novembre 2006, et qui témoignait de son immersion pendant plusieurs jours dans le monde très fermé du Cern et de ses chercheurs.

Gianni Motti (1958, Sondrio) vit et travaille à Genève. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : EX–POSITION21, Galerie Mezzanin, Geneva (2021) ; Ex-position au Helmhaus, Zurich (2018). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Vertrauen à Helmhaus Zurich, Zurich (2022) ; Acquisitions 2021 au Fonds d’art contemporain de la Ville de genève, Genève (2022).
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Alexandre Bianchini
Detroit on Circle

Alexandre Bianchini, Detroit on Circle, transfert numérique de films Super 8, 12’24’’, musique, 1996

Baignant dans un environnement qui privilégie la peinture abstraite, influencée par la tradition suisse, l’art concret et par le mythe de l’abstraction américaine des années 1960, Alexandre Bianchini a recherché d’autres influences au sein du mouvement conceptuel des années 1960-1970, d’Andy Warhol et du Pop art. Avec ce même souci de retrouver des gestes plus immédiats et davantage critiques, il a réinvesti des médiums plus légers, mobiles, voir même désuets, tels que le super 8, le livre d’artiste et l’imprimé.

Pour le programme de projections, Videos : new and revisited, le nouveau site internet du CEC et sa partie « Vidéos récentes » et « Archives », nous avons choisi dans la collection du CEC, l’édition d’une série de films super 8 d’Alexandre Bianchini, Detroit on Circle, datant de 1996. Chacun de ces films courts, de 3 minutes, proposait une bande son composée d’extraits de musique techno, références directes aux artistes de la scène musicale de Détroit, avec Robert Hood ou Jeff Mills, ou davantage issus de l’environnement direct de l’artiste et de la scène techno, avec DJ Sid ou Hubert Mean.

Bianchini filme, zoome et dézoome au rythme des extraits sonores, un carton détaché d’une boîte de « Pain croustillant au Sésame » de la marque suisse Roland, fixé à la verticale et au centre d’un vinyle tournant au rythme d’un 33 tours. Ce petit carrousel offre à voir en alternance cette publicité pour les pains au sésame et l’image collée au dos du carton, tantôt d’une chambre spartiate, tantôt d’un sentier dans la jungle, souvenir d’un séjour de l’artiste en Colombie. La vidéo de ce carrousel qui tourne sans fin, pris dans un mouvement avant/arrière, des sons technos très cadencés, répétitifs et entrainants, provoquent un effet hypnotique et désuet, qui nous fait osciller entre ces biscottes suisses et les sensations d’un voyage en Colombie.

Alexandre Bianchini (1966, Genève) vit et travaille à Genève. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme Child of rage au Locus solus, Prilly (2022) ; Sans tain sans titre au Halle nord, Genève (2018). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Aquisitions 2021 au Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève, Genève (2022) ; Etat des lieux à la maison Gaudard, Lausanne (2022).
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Roman Signer
Installation hélicoptère, 1990

Roman Signer, Installation hélicoptère, 1990, vidéo, 4′ 59”, PAL, son, 1990

Cette vidéo représente l’enregistrement d’une performance de Roman Signer, filmée à huis clos directement dans la salle d’exposition du Centre (en 1990, Centre genevois de gravure contemporaine) avant son exposition personnelle qui a eu lieu du 26 octobre au 8 décembre 1990. Il y présentait les différents éléments utilisés pour cette performance : un hélicoptère avec un pinceau, une boîte de conserve remplie d’encre noire et neuf peintures.

Pour cette action, un hélicoptère de modélisme était équipé à sa base d’un pinceau. L’hélicoptère devait réaliser plusieurs allers-retours entre une boîte de conserve remplie de peinture noire, placée au centre d’un dispositif de neuf toiles vierges, posées au sol. À chaque rotation, l’hélicoptère, guidé par un pilote expert en modélisme, trempait son pinceau dans la boîte de conserve, et allait déposer de la peinture noire sur chacune des toiles, produisant ainsi une série de peintures informelles.

« […] Roman Signer intervient sur les éléments naturels – eau, feu, air, terre – et parfois sur des objets manufacturés ou industrialisés tels des caisses, des bidons, des ballons ou des meubles, en les faisant voler, tomber, exploser, se remplir, se vider, etc., à l’instar de Richard Serra lorsqu’il proposait, en 1967-1968, sa fameuse liste de verbes d’action « rouler, rabattre, plier, tordre, fendre, couper… » Roman Signer privilégie le déroulement, le processus et l’idée de sculpture en mouvement. Son dernier film retrace une action de plus d’un mois, Aktion mit einer Zündschnur, entre Appenzell et Saint-Gall. Une mèche de 20 km, placée le long de la voie de chemin de fer, reliait les deux villes. La mise à feu était donnée à la gare d’Appenzell, le parcours se terminait à la gare de Saint-Gall. Roman Signer et son équipe devaient surveiller le parcours de la flamme et la faire exploser tous les 100 mètres. Il y eut donc 200 explosions, toutes les 4 heures 30, la vitesse de la flamme étant d’un quart d’heure par mètre. Loin d’un petit problème de calcul, cette action confrontait la violence de chaque explosion, la répétition dérisoire du même bref incident avec l’étirement du temps total (35 jours). Elle prenait l’allure d’un parcours initiatique où un équilibre entre la concentration de l’énergie et sa libération devait être maintenu. Roman Signer recherche une certaine domination de l’espace et du temps qui lui demande, lors de chaque action, une attention et des dispositions psychiques qui vont s’exprimer au travers de jeux souvent violents et dangereux, mais toujours poétiques, magiques et humoristiques. Roman Signer n’est donc pas seulement une espèce d’artificier de génie, mais un artiste qui s’intéresse à des situations de tension, afin de créer des mouvements et des formes esthétiques qui exploitent les diverses capacités physiques de chaque « objet » choisi. L’événement peut être d’une remarquable simplicité comme cette Boîte aux feuilles mortes (1982) posée sous des arbres, qui se remplit de feuilles au fur et à mesure que la saison automnale avance »

(Extrait du communiqué de presse de l’exposition personnelle de Roman Signer, Installation hélicoptère, 1990, qui a eu lieu du 26.10 au 8.12.1990)


Roman Signer, Installation hélicoptère, 1990, vidéo, PAL, 5’, couleurs, son, pilote d’hélicoptère de modélisme : Armin Caspari, images : Simon Lamunière, 10 exemplaires U-Matic numérotés de 1 à 10 et 5 H.C. numérotés de I à V et signés, 20 exemplaires VHS numérotés de 1 à 20 et 4 H.C. numérotés de I à IV et signés. Centre genevois de gravure contemporaine/CEC, 1990
Roman Signer est né en 1938 à Appenzell. Il vit et travaille à Saint Gall. Parmi les nombreuses expositions personnelles qu’il a présentées, citons les plus récentes : Kunsteinrichtung Roman Signer, Villa Garbald, Castagne (2023) ; Roman Signer. Schenkung der Ursula Hauser Sammlung, Kunstmuseum St. Gall (2023), Roman Signer, Malmö Konsthall, Suède (2023) ; Roman Signer. Installation, Stampa, Bâle (2022), Roman Signer. Sculptures et une installation, Art : Concept, Paris (2022) ; Roman Signer, FRAC Franche-Comté (2022) ; Roman Signer. Vier Apfel / Four Apples 2011-2021, The Little Art Window, Gstaad (2021). Son travail a également fait partie d’expositions collectives, comme : Schildkrötentempel. Kleine Skulpturen und Objekte, Rehmann Museum, Laufenburg (2023) ; Gruppenausstellung, Hauser & Wirth Somerset, Bruton (2023) ; On On Kawara. Eine Hommage an On Kawara und Hiroko Kawahara, Kunstzone Lokremise, St. Gall (2022) ; Show Your Work, 601Artspace, New York (2022) ; Moment.Monument, Kunst Museum Winterthur, Winterthur (2021) ; The Paradox of Stillness: Art, Object, and Performance, Walker Art Center, Minneapolis (2021).
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